L'histoire vivante
Manipulation de piques XVe : manoeuvres reconstituées de piquiers 1480

Déploiement tactique 2004

Le principe des ordres de manoeuvres qui suivent est de permettre le déploiement le plus cohérent possible de reconstitueurs formant une compagnie de piquiers des ordonnances françaises de 1480. Cette étude a servi dans le projet de rassemblement de piquiers du XVe siècle au Déploiement Tactique de 2004 qui a eu lieu les 25 et 26 septembre.

Les mouvements et manoeuvres décrites sont basées essentiellement sur l’observation de sources iconographiques de la seconde moitié du XVe siècle. Une comparaison a été effectuée avec des manuels de piquiers du début du XVIIe siècle. Dans la mesure des connaissances acquises, les spécificités du maniement du XVe ont été conservées. Les ordres, par contre, sont essentiellement issus du maniement début XVIIe, du fait de l’absence de découverte d’ordres antérieurs.

Certains éléments de manoeuvres à pied sont directement issus de mon expérience d’instructeur militaire contemporain en la matière. Leur usage n’est là que pour fluidifier les manoeuvres sur le terrain (ex : le demi-tour en formation, dizaine ou compagnie), sans aucune volonté de vouloir les faire passer comme authentiques ni historiquement documentés.

Je sollicite donc l’indulgence des plus « pointus » d’entre vous et espère que vous comprendrez qu’outre la « plausibilité historique », cette fluidité est nécessaire pour pallier les éléments non documentés afin de réaliser le déploiement dans la pratique.

Les mouvements de l’école de la pique sont illustrés par des reconstitueurs munis de lances en l’absence de pique. Leurs positions corporelles servent d’exemple aux différents mouvements.

L’école de la pique

Cette section détaille le maniement de l’arme en elle-même au niveau individuel ainsi que les ordres correspondants.

Le maniement se divise en trois catégories de mouvements : de base, de déplacement, de combat.

Mouvements de base
« Pique en terre »
Corps droit / pieds côtes à côtes / talon de la pique en terre sur le côté
Repos / attente
« Haut la pique »
Corps droit / pieds côte à côte / pique droite à l’épaule, talon dans le creux de la main droite
Mouvement intermédiaire / manoeuvre
« Avancez la pique »
Corps droit / jambe gauche en avant / pique inclinée vers l’avant, talon dans le creux de la main droite / main gauche en avant en soutien
Mouvement intermédiaire / préparation au combat
Mouvements de déplacement
« Pique de biais »
Corps droit / marche / pique inclinée vers l’arrière sur l’épaule droite/gauche / talon dépassant vers l’avant
Déplacements sur de courtes distances
« Pique traînante »
Corps droit / marche / main droite/gauche tenant la pique derrière le fer et le talon traînant par l’arrière
Déplacements sur de longues distances
Mouvements de combat
« Pointez la pique »
Corps droit / jambe gauche en avant / pique à la hanche, talon dans la main droite, main gauche en avant en soutien par le dessous
Assaut / défense
« Chargez la pique »
Corps droit / jambe gauche en avant / pique à la hauteur des épaules, talon dans la main droite en arrière, main gauche en avant avec le coude plié en soutien
Assaut / défense dans une moindre mesure
« Contre la cavalerie, réception de charge »
Corps arc-bouté vers avant / pied gauche plié en avant, pied droit tendu en arrière / talon de la pique fichée dans le sol derrière le pied droit, les mains soutiennent l’arme
Réception d’une charge de cavalerie


Toutefois il semblerait que ce mouvement soit une erreur d'interprétation d'une souce historique du XVème et que ce mouvement n'existait pas à l'époque.
L’école de dizaine

Cette section détaille les manoeuvres effectuées par les piquiers organisés en dizaines. Ils sont aussi valables au niveau de la compagnie.

Une dizaine est composée de 10 piquiers et d’un dizainier. Ce dernier assume le commandement de ce qui constitue l’unité de base. Il est armé d’une arme d’hast telle que hallebarde, vouge, etc.

Les mouvements se divisent en trois catégories : de rassemblement/dispersion, de pied ferme, de déplacements. Ils s’effectuent dans la position « Haut la pique » de façon naturelle en évitant les mouvements militaires modernes (talon décollé, pointe du pied opposé décollé pour un « à gauche, gauche » contemporain par exemple).

Mouvement de rassemblement/dispersion
  • « Rassemblement, en la manière d’une colonne par x »
    Rassemblement, généralement en colonnes par 2
  • « Dispersez-vous »
    Dispersion sans idée de manoeuvre
Mouvement de pied ferme
  • « Par la dextre/senestre, conversion »
    Quart de tour à droite/gauche
  • « Par la dextre, demi-tour »
    Demi-tour à droite. Le sens de rotation est purement conventionnel
Mouvements de déplacement
  • « En avant, marche »
    Départ, pied gauche en avant (suivant Arbaut en 1589, eh oui, déjà...) en suivant le dizainier ou la direction qu’il désigne
  • « Votre attention, halte »
    Arrêt. À « halte », faire encore 1 seul pas puis ramener le pied arrière contre le pied avant
  • « Sur la dextre/senestre, marche »
    Changement de direction à droite/gauche en suivant le dizainier et en obliquant au point précis où il a lui-même changé de direction
École de compagnie

Cette section détaille les manoeuvres effectuées par les piquiers organisés en compagnie.

La compagnie est composée de plusieurs dizaines (a priori 4 pour le DT 2004), de leur dizainier respectif et d’un capitaine. Ce dernier assume le commandement de l’unité entière et des éléments rattachés comme les musiciens ou une dizaine d’hommes de traits (tireurs). Il est armé d’une épée.

Si besoin, les ordres sont repris par les dizainiers afin que l’ensemble de la compagnie puisse les entendre. D’une façon générale, en compagnie, les dizainiers s’assurent de la bonne position de l’ensemble des piquiers et maintiennent l’alignement des rangs.

Les mouvements comprennent ceux de l’école de la dizaine plus les quatre ci-dessous :

  • « Roue à dextre/senestre, marche »
    Permet un changement de direction de l’ensemble de l’unité pour s’aligner sur un objectif par exemple. Le pivot est le piquier à l’avant, du côté vers le quel on tourne. Il doit impérativement rester fixe et pivoter doucement. Les hommes à l’autre extrémité doivent allonger le pas pour accélérer.
    IMPORTANT : l’expérience montre que l’alignement se conserve plus facilement en se mettant épaule contre l’épaule du voisin situé du côté vers lequel on pivote.
  • « Formez le hérisson »
    Mise en cercle de la compagnie. Les piquiers au bord du carré se tournent vers l’extérieur (ceux des flancs et de la dernière rangée). Celui du centre avance d’environ 4 pas. Les piquiers autour se forment en cercle. L’ensemble de ceux au milieu comble les trous.
  • « Dizainiers, à moi »
    Rassemblement des dizainiers par le capitaine pour prise d’ordres, reprise de commandement des dizaines, etc.
  • « Serrez les rangs »
    Resserrement lors de la formation du carré, avant combat, etc.
Organisation prévisionnelle

Si les effectifs le permettent, la compagnie sera formée de quatre dizaines. Chacune regroupe donc 10 piquiers et un dizainier. Les dizaines sont numérotées de 1 à 4 et sont nommées dans l’ordre :

  • haute dizaine
  • seconde dizaine
  • tierce dizaine
  • quatrième dizaine

La haute dizaine comporte la bannière en son sein. En cas d’effectif insuffisant, nous resterons sur 3 dizaines. Au niveau de la compagnie, on retrouve les musiciens (tambour, cornemuse, fifre, etc.). Si les effectifs s’avèrent pléthoriques, nous pourrons former une dizaine d’hommes de traits. Ces tireurs seront placés sous les ordres d’un dizainier et serviront d’éclaireurs ainsi que de tirailleurs (dits aussi skirmishers pour les aficionado des wargames).

Formations

Elles sont au nombre de deux : l’ordre de marche et l’ordre de bataille.

L’ordre de marche

Le Capitaine marche devant avec les musiciens.

Suivent les dizaines en rang par deux (deux hommes de front, sur cinq de profondeur) espacées entre elles de quelques mètres, dans l’ordre de leur numéro. Le dizainier marche devant et/ou sur les côtés selon le cas.

Deux points particuliers pour l’ordre de marche :

  • dans la haute dizaine, au troisième rang, l’homme à droite dans le sens de la marche est l’enseigne/gonfalonier/porte-étendard
  • le dizainier de la quatrième dizaine marche derrière ses piquiers. Il fait office de serre-file et personne de la compagnie ne doit se trouver derrière lui à aucun moment.
L’ordre de bataille

Il se forme à partir de l’ordre de marche en alignant les dizaines côtes à côtes. Ce sont donc les colonnes qui, alignées les unes à côté des autres, forment les lignes et le carré.

Pour ce faire, la haute dizaine se place face au capitaine, situé à l’endroit où le carré doit se former. Puis, la seconde dizaine vient se placer à droite de la haute dizaine, à sa hauteur. La tierce dizaine se place à gauche de la haute dizaine. Enfin, la quatrième dizaine vient se placer à droite de la seconde dizaine.

Les hommes de tête de chaque dizaine forment donc le premier rang du carré de 8 hommes de large sur 5 de profondeur.

Les dizainiers se placent sur chaque face du carré (rectangle plus exactement dans ce cas...) :

  • dizainier haute dizaine : en avant, front du carré (rentre dans les rangs au contact naturellement...)
  • dizainier seconde dizaine : en arrière du carré, accompagné des musiciens (la place la moins risquée... sauf en cas d’attaque à revers...)
  • dizainier tierce dizaine : flanc gauche (au côté de ses hommes)
  • dizainier quatrième dizaine : flanc droit (au côté de ses hommes)

Les musiciens se placent à l’arrière, à l’abri des combats et le capitaine à l’avant avec le dizainier de la haute dizaine. Il rentre lui aussi dans les rangs au contact naturellement ou se place sur les flancs.

La formation de bataille est reprise sur l’illustration suivante de mauvaise qualité avec mes excuses. Elle a été réalisée à l’aide de figurines 25 mm de lansquenets XVIe et montre le carré juste avant de resserrer les rangs on voit donc de gauche à droite sur l’image :

  • dizainier quatrième dizaine
  • quatrième dizaine
  • (devant) capitaine de compagnie
  • (milieu) seconde dizaine
  • (derrière) dizainier seconde dizaine
  • (devant) dizainier haute dizaine
  • (milieu) haute dizaine
  • (derrière) les musiciens
  • tierce dizaine
  • dizainier de la tierce dizaine
Trois dizaines dans une forêt du Gâtinais
La même formation avec trois dizaines dans une forêt du Gâtinais en 1480 - Déploiement Tactique, septembre 2004. Photo Frédéric Coune/ApHV
Texte et photographies (sauf mention contraire) de Lionel Charluteau, mis à jour le 11/01/2005