Psautier de la reine Mary, 1310.
Difficile de dissocier complètement le Moyen Âge des chevaliers, des sièges, des batailles diverses. Toutefois, l'étude des techniques de combat de cette époque avance à tâtons car très peu de traces précises nous en sont parvenues.
Personne ne peut se dire de nos jours héritier des techniques médiévales. Elles ont considérablement évolué à partir du XVIe avec l'équipement, la mode et le besoin, rendant caduques les enseignements spécifiques des siècles précédents.
Toutefois, il subsiste des ouvrages écrits du Moyen Âge traitant du sujet, mais à deux exceptions près, ils ne sont pas antérieur au XVe siècle. Et même pour ceux du XVe siècle, ces ouvrages ne sont pas des modèles de pédagogie et de limpidité. Ce sont plus des ensembles de techniques avancées s'adressant à un public averti. Certains sont illustrés mais une image statique jette souvent plus de trouble qu'elle n'aide à comprendre un mouvement. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un oeil sur quelques uns des manuscrits mis en ligne : section sur l'escrime au fauchon.
Manuscrit I.33, 1300. | Flos Duellatorum, 1410. |
Toutefois, on ne peut pas négliger ces quelques sources et ne pas les exploiter pour retrouver les techniques médiévales n'a pas de sens, d'autant plus si on travaille sur une époque proche d'un manuscrit. Mais ce travail s'avère insuffisant pour codifier l'escrime médiévale. Plusieurs autres études ont été réalisées à partir de sources historiques :
L'équipement a beaucoup varié entre le XIIIe et le XVe. On ne peut pas parler d'une technique commune. Il suffit de regarder l'évolution des techniques d'escrime entre la fin du XIXe et aujourd'hui pour voir à quel point les contraintes choisies et le matériel sont déterminants dans l'identité d'une technique de combat.
Avant le XIVe, les techniques utilisaient soit l'[épée,masse]/bouclier, soit la lance ou lance/bouclier ou enfin la hache seule. Par après, l'utilisation des épées maniées à deux mains, des piques/marteaux d'armes, des armes d'hast diverses et variées augment, conjointement au port du harnoi blanc qui va permettre de se passer de bouclier. Le combat va donc s'en trouver fortement changé.
Je dirais que grossièrement, on peut dégager trois périodes de style de combat différent en occident médiéval : du VIe au Xe — du XIe au XIIIe — et enfin du XIVe au XVIe. Évidemment, cette classification est grossière et on y trouvera de nombreuses contradictions, surtout dans les périodes de transition.
Du VIe au Xe, les combattants portent peu de protections (les protections de mailles treslies sont rares) et la cavalerie souffre de l'absence d'étriers. L'armement est constitué de scramasax (grand poignard ou petite épée à un tranchant), d'angons (lances porteuses de pointes très effilées), de grandes épées et de haches. Le manque de protections corporelles efficaces donnait au moindre coup porté une grande importance.
Du XIe au XIIIe, les protections corporelles ne cessent
de progresser pour arriver à la couverture intégrale du combattant, ce qui devait lui permettre de recevoir
des coups faibles sans conséquence. Retranché derrière son écu ou une
rondache, le guerrier travaillait violemment de taille tant pour affaiblir l'adversaire qu'en espérant rentrer en force dans une
ouverture. L'estoc était aussi de mise avec les grandes lances mais aussi les épées car de telles attaques sont
bien plus rapides et devaient sûrement être utilisées pour garder sa distance ou pour obtenir une ouverture pour
des attaques de taille ultérieures.
Durant cette époque se développe aussi une escrime civile sur laquelle on ne dispose que de très peu d'informations,
quelques illustrations à droite ou à gauche et le manuscrit I.33.
À suivre...
L'auteur, en action à Chinon, été 2005
Plusieurs groupes effectuent des recherches pour mettre au point des techniques qui auraient pu être celles d'une époque du Moyen Âge. Et la plupart de ces groupes ont des approches fort différentes selon, par exemple, qu'ils partent des — rares et peu précis — livres de maîtres d'armes qu'il nous reste ou qu'ils partent de — plus ou moins bonnes — reconstitutions d'armes et voient ce qu'ils peuvent en faire.
Toutes les techniques de combat ont dû être adaptées à une pratique sportive et ont donc souvent perdu en efficacité. Par exemple, il existe des restrictions sur les zones de touche (pas dans l'aine en boxe française, pas en jambe en kendo, juste sur le tronc au fleuret, etc.), restrictions sur les techniques (pas d'armé derrière l'axe de la colonne en boxe anglaise, uniquement des armés derrière la colonne vertébrale en canne de combat, des frappes contrôlées en karaté-do, ...), des restrictions de déplacement (en ligne droite pour l'escrime, les clefs de bras debout ne peuvent être exécutées que si l'adversaire ne se déplace pas au judo, ...) et enfin des restrictions dans l'armement (boken et sabre en tiges de bambou au kendo, canne légère en canne de combat, bâton de mousse en yoseikan kenjutsu, armes d'escrimes n'ayant plus rien à voir avec des armes réelles...).
La pratique d'une technique de combat à armes et équipement médiéval ne peut donc se faire dans une pratique sportive qu'en réalisant des concessions au réalisme et à l'historicité. De même, il me paraît impensable de pratiquer une activité sportive avec du matériel réellement dangereux pour les pratiquants quelle que soit la protection utilisée. De surcroit les protections sont souvent lourdes (15 kg pour un haubert léger, 20 kg pour un harnoi blanc léger, ...) ce qui est contraire, selon moi, à une éthique de respect physiologique des participants.
Enfin un matériel correctement reconstitué ne peut pas se préter à une pratique de compétition sans aménagement sévère.
Tous ces points, entre autres, font que ceux qui pratiquent en France la reconstitution de combat médiéval se sont très vite tournés vers l'animation. Ils ont complété une pratique du combat en loisir par la reconstitution de tranches de vie médiévales pour les réaliser en prestation. Le succès des fêtes à caractère médiéval offre à ces personnes un marché suffisant pour se faire plaisir.
La plupart des combattants actuels en France ont donc une pratique en loisir de pseudo-combat médiéval avec un fort accent spectacle.
Par contre il existe des associations qui sont axées plus sur le combat pur et prétendent pratiquer un sport. C'est le cas, entre autres, des Guerriers du Lendemain à Istre et d'Excalibur à Lyon. Pour se faire, ils ont effectivement dû codifier sévèrement leur pratique. Je ne les suis pas dans leur démarche car à mon goût, on n'a pas encore assez de recul vis-à-vis de la technique pour se permettre de la réduire. Et la pratique d'une technique codifiée entraine obligatoirement sa dérive par l'exploitation des limites imposées (c'est un grand classique en sport, ne serait-ce que par la recherche de la mise en faute de l'adversaire vis-à-vis du règlement). Ce qui s'ensuit est plus une pratique d'une technique codifiée avec des armes en métal souvent vaguement copiées allant des fois à l'opposé de la technique réelle. C'est malheureusement inévitable dans le cadre d'une technique adaptée.
Attention, je ne veux pas dire que ce qui est fait par les associations qui visent surtout la pratique sportive est mauvais, notre association est en partie passée par là. Je veux simplement pointer du clavier qu'une telle pratique doit permettre l'évolution de la technique, or le figeage d'une codification est un énorme frein. De plus la notion de sport ne peut pas être présente. De mon point de vue, la pratique du combat médiéval est plus une activité physique qu'un sport. Ce qui n'empêche pas une telle pratique d'être passionnante et de convenir à la majorité des gens.
Ce qui est nouveau par contre, c'est que depuis deux ou trois ans apparaissent en France dans le milieu de la reconstitution des gens qui veulent fouiller dans les manuscrits historiques pour en extraire des bribes d'informations concernant la technique médiévale. Certes, des telles études sont choses courantes en Angleterre depuis quelques décennies et dans le milieu des maîtres d'armes anciennes des fédérations d'escrimes et autres académies d'armes. Je veux être bien clair, ce qui est nouveau, c'est donc la très forte augmentation de la quantité de personnes qui s'y intéressent ainsi que l'amélioration grâce à l'internet de l'accès aux documents.
À ceci s'ajoute la maturation des techniques à travers d'autres pratiques sportives. Cette mixtion permet de mieux envisager les principes du combat médiéval à travers une meilleure compréhension des déplacements, des distances et du réalisme de combat qui sont eux bien compris et enseignés dans d'autres sports (judo, canne de combat, yoseikan budo, ...).
C'est dans cette optique que notre association travaille. On enseigne ainsi des éléments techniques réfléchis à partir de documents historiques. Mais aussi, dans le but de réaliser des démonstrations, nous adaptons et contraignons les combats. Il s'agit d'obtenir des prestations préparées, sécurisées, contrôlées de telle sorte à pouvoir être exécutées malgré la fatigue. Le côté spectaculaire est inhérent à la technique, il est heureusement pas nécessaire d'en faire plus et de trop tricher avec la technique pour plaire à un public.